RPI St Jean Leblanc: la cantine où chacun peut y mettre son grain de sel

Tout d’abord, décortiquons les mots et rappelons le contexte pour que ce soit un peu plus digeste. RPI, ça veut dire Regroupement Pédagogique Intercommunal, autrement dit, il s’agit d’une structure qui rassemble les différents acteurs liés à la scolarité des élèves d’un territoire. Il y a 2 ans, l’association de parents d’élèves de ce regroupement a décidé de se réapproprier la gestion de la restauration scolaire de la commune.

St Jean Le Blanc, 335 habitants aux dernières nouvelles, répartis sur une quinzaine de km². Autour : des vallées à perte de vue, des champs et le cours de l’Orne. S ‘il y a un truc à découvrir, c’est bien cette fameuse cantine gérée PAR une partie des habitants et POUR les enfants de la commune.

Un territoire rural ancien, des habitants qui le font vivre aujourd’hui,

une association soucieuse de l’avenir de ses enfants:

«  Nous sommes attachés à l’équilibre alimentaire des enfants et aux valeurs transmises autour des repas : l’équilibre alimentaire, la production, le partage, le soutient des différents acteurs de ce repas, et plus généralement la vie en milieu rural ». C’est en partant de ces convictions fortement liées à la réalité d’un territoire que certains habitants et parents d’élèves qui y vivent créent en Juillet 2010 l’association du RPI de St Jean le Blanc.

Janvier 2011, la nouvelle cantine devient une structure incontournable du territoire animée par les citoyens qui le compose.

Les parents d’élèves et habitants impliqués dans l’association s’occupent de la gestion administrative et la composition des menus. La structure est également un levier pour l’animation locale grâce à l’organisation de multiples manifestations visant à sensibiliser petits et grands autour de moments conviviaux.

Les producteurs locaux sont bien entendu associés au projet en participant à l’approvisionnent de la cantine (pour la viande, les légumes, le pain) complété par l’intervention de la SCIC Interbio qui rassemble tous les maillons de l’agriculture biologique et locale du département.

Le maintien du personnel précédent est assuré grâce à l’investissement de la commune en plus de l’embauche, par l’association, d’une cantinière à mi-temps.

Les élus de la commune ont également mis à disposition la salle des fêtes et participent au financement des charges inhérentes au lieu de restauration.

Résultat : Tout à été pensé pour que les prix des repas des enfants ne bougent pas, les enseignants ont même été appelé à mettre la main à la poche avec un repas coûtant 1,30€ de plus que celui des enfants. Avec 3,10€ par repas et par enfants, on arrive à constituer des repas équilibrés avec des produits frais, locaux, et à 40% issus de l’agriculture biologique. Le nombre d’élèves mangeant à la cantine est passé de 65% à 90%.

 

Derrière le projet, 3 drôles de dames

Les 3 drôles de dames portant le projet

Nous avons rencontré la présidente, Linda HUE – institutrice, la secrétaire, Ismaelle LEGROS – éducatrice et directrice d’une crèche associative et la trésorière Christine FELS – assistante maternelle.
Avec trois autres bénévoles, elles donnent de leur temps au quotidien pour réfléchir sur la composition des menus, choisir et contacter les producteurs.

Quand il a fallut faire face à l’absence inopinée de la cantinière elles n’ont pas eu d’autres choix que de gérer la situation et la remplacer au pied levé.

«  Comment on a fait ?! Eh bien avec nos bras !On ne s’est pas posé de question, il fallait que les gamins mangent le lendemain » Linda Hue

« On a été aidées par des retraités et on a reculé nos heures de travail pour éplucher les patates! » Ismaelle Legros.

Elles sont aussi à l’origine des réunions et repas ouverts au public ainsi qu’aux activités pédagogiques complémentaires autour de l’alimentation. Par exemple, elles ont fait intervenir à plusieurs reprises Philippe ENEE pour animer des ateliers cuisine en présence du personnel et des enfants. Expert, le partage des recettes simples et surprenantes tel que la pâte à tartiner ont permis de réveiller les papilles mais aussi les consciences puisque qu’elle se compose de produits bio et ne comporte aucun adjuvant. Passionné, il réussit à transmettre son savoir et à responsabiliser les enfants autour de leur alimentation quotidienne.

Des bénévoles opérationnels au quotidien, à la tête d’une association excédentaire, des élus satisfait et prêt à investir quelques deniers, des agriculteurs qui vendent une partie de leur production pour nourrir des enfants qui apprennent à manger sainement sans que leur parents dépense plus qu’avant… Cette histoire bien réelle semble tirée d’un conte de fée.

 

« S’il nous faut des fables, que ces fables soient au moins l’emblème de la vérité  » (Candide, 1759)

Seulement voilà, tout n’est pas au mieux dans le meilleur des mondes…Cela fait un an que l’association assure son rôle d’alimentation et de sensibilisation en tentant de mobiliser le reste de la population, mais le soutien des premiers jours n’est plus au rendez-vous. Les échos du public adulte sont loin de faire l’unanimité. Les valeurs et les activités portées par l’association ne semblent plus enthousiasmer grand monde lorsqu’il s’agit d’y mettre du sien.Les bénévoles ont le sentiment de perdre toute reconnaissance de leur efforts et semblent livrés à eux mêmes.

Un climat de méfiance s’est installé au village suite à l’engagement des bénévoles et le lancement de multiples activités appelant à la mobilisation. Les réunions d’informations sont désertées, les invitations aux repas gratuits déclinées, la semaine internationale du goût boudée, que ce soit des parents mais aussi de certains enseignants.

Pour les usagers, toutes ces initiatives semblent être assimilées à des plans de grenouillage que l’on ne gobe pas si facilement! L’argument financier pèse sur l’association comme une épée de Damoclès, alors que les bénévoles ont été de bons élèves pour l’instant sur ce plan. Un langage de sourd s’installe entre une minorité qui rappelle les fondements du projet avec résultats à l’appui au niveau de l’éducation et la qualité des repas servis ; et ceux qui traquent le moindre centime  de plus qui risquerait de faire pencher la balance pour un retour à la gestion intercommunale de la cantine.

 

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Claudia