Les petites salles obscures associatives illuminent les toiles de France

Du 19 au 25 janvier se déroulait le sixième festival « ciné champêtre » à Saint-Pierre-sur-Dives. Le thème était « le cheval et l’Homme », en lien avec les Jeux équestres mondiaux qui auront lieu en septembre 2014. Rencontre avec une cinéphile engagée, Andrée Dumaz, responsable du festival champêtre de Saint-Pierre-sur-Dives, pour discuter sur la situation actuelle des salles obscures et du niveau du cinéma français.

Pouvez vous nous dire, selon vous, ce que le cinéma apporte aux spectateurs ?

Le cinéma sert à se divertir et à s’instruire avant tout. De mon point de vue, il permet à des univers de se rencontrer et qui ne peuvent côtoyer qu’à travers le cinéma. Le Rexy est un cinéma qui a reçu le label « Art et Essais », donc nous recherchons à avoir des films plus pointus qui vont amener un débat. Mais, nous ne négligeons pas les comédies pour pouvoir toucher un maximum de public.

Justement, quel est le rôle d’un petit cinéma sur un territoire comme le votre ?

C’est vital ! Sans les petites salles comme Le Rexy, le cinéma français serait moins vivant et cela est un véritable enjeu économique. Nous avons établi avec le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animé) un système de financement et d’avances sur les recettes pour permettre à des films plus confidentiels de se faire. Les petites salles sont indispensables au dynamisme du cinéma. On peut observer dans certains pays où elles ont cessé leurs activités, que le cinéma national est quasi inexistant. On peut citer l’Allemagne ou l’Italie. Le cinéma est un vecteur de culture. On a besoin d’une politique volontaire au niveau national car on s’apercevra du manque une fois seulement qu’elles auront disparu. Mais surtout, ce sont dans les périodes difficiles économiquement que la culture est importante dans la vie des gens.

Quel est votre avis sur l’exception culturelle française ?

Ce qui est sûr, c’est que cela a permis le maintien du cinéma français et cela va avec la survie des petites salles. Ce système permet de redistribuer l’argent des recettes et d’équiper les salles. Je ne suis pas contre les quotas dans la culture. L’Union Européenne est en train de négocier un accord de libre échange avec les États-Unis et bien sur, la culture en fait partie. C’est le cas aussi pour les chansons à la radio. Sans ces quotas, on serait envahi par des produits sans durée qui seraient immédiatement interchangeables.

Pour rebondir sur l’aspect économique, les films français adoptent de plus en plus les techniques commerciales américaines pour se vendre à l’étranger…

On ne peut pas éviter ça. Par contre, il faudrait que d’autres systèmes participatifs se mettent en place. Peut-être que cela devrait se produire pour les films à petits budgets. Il faut inventer un circuit de petits films pour qu’ils puissent trouver des circuits de distribution et ainsi garder une diversité.

Quel est le niveau du cinéma français actuellement ?

Il est assez vivant et il trouve son public. Il est plus le miroir de la société qu’il y a des années avec les films hollywoodiens qui étaient plus sophistiqués. Le point faible est sans doute la faiblesse des scenarii. Ils sont trop formatés avec une distribution elle aussi trop formatée. Évidemment, il existe des financements institutionnels comme Arte ou Canal + mais les réalisateurs ressentent une perte de liberté. C’est un vrai dilemme puisque le financement est nécessaire. Heureusement des festivals comme le notre leur servent de réseau de diffusion. Nous sommes en contact régulièrement avec trois autres festivals sur la ruralité pour avoir des retours sur les films et les projeter au public.

Comment voyez-vous le cinéma dans dix ans ?

Si ce n’est pas dans une salle, ce n’est pas du cinéma, avec cette action de projection sur un écran. On ne retrouve pas cela avec le streaming car on n’est plus dans l’univers du cinématographe. C’est un autre produit ! C’est comme connaître les œuvres d’arts uniquement à travers les livres et ne pas aller au musée. Ce sujet sur la diffusion de la culture va dépendre de l’éducation et de donner le goût aux gens de partager. Il faut le développer, mais est-ce que cela rentre dans les programmes scolaires, des enseignants et a-t-on des budgets pour ça ? Il faut donner le goût du plaisir de voir un film. Pourquoi pas une éducation à l’image ? Cela permettrait de développer l’œil critique sur la pub, internet ou les réseaux sociaux, dont on est bombardé quotidiennement.

Emilie DESLANDES

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