Interview d’Eric Jarno – Pays des Miroirs Productions

 Rencontre avec Eric Jarno, secrétaire et directeur artistique de l’association Pays des Miroirs Productions (et aussi enseignant à l’Université de Caen), pour découvrir le métier de producteur.

Bonjour Eric, comment s’est créée l’association Au Pays des Miroirs ?

L’association s’est créée en 2007 dans le but de produire des documentaires de création pour la télévision. Aujourd’hui, Pays des Miroirs Productions développe de plus en plus de projets à destination du cinéma (en coproduction avec Tell Me Films). Nos premiers courts-métrages de fiction sont pensés comme des documentaires, c’est-à-dire qu’il y a une structure écrite, mais que nous laissons place à l’improvisation (comme c’est par exemple le cas pour The mouth de Thomas Aufort).

L’association s’est aussi créée afin d’aider à la diffusion et à la conduite d’actions éducatives. Cela fait partie de nos statuts et c’est important pour nous. Dans mon parcours personnel, je suis intervenu dans les centres de loisir, collèges, lycées, et universités inter-âge. Et j’enseigne à l’Université de Caen depuis 1996.

Vous avez participé à la création du Master Pro « Métiers de la production » de l’Université de Caen. Pouvez-vous nous en parler ?

Nous avons une capacité d’accueil de 20 élèves par promotion et de nombreux professionnels viennent partager leur expérience (producteurs, mais aussi directeurs de production, administrateurs, etc.). Nous avons tissé des partenariats avec la Maison de l’Image de Basse-Normandie, l’IAE, l’UFR de droit, de sciences-éco. La taxe d’apprentissage nous permet, en partie, de financer le Master. Il faut savoir que toute entreprise payant peut diriger cette taxe vers notre Master…

Quel a été votre parcours professionnel ?

Enfant, je voulais être journaliste parce que j’étais fasciné par leur charisme (comme par exemple Roger Gicquel). Mais avant tout, je suis un grand amoureux des histoires et c’est ce qui me plaît dans le métier que j’exerce (la production). La part artistique de ce travail tient dans le fait d’accompagner un auteur pour que le récit soit le plus abouti possible. J’ai fait un DEUG1 d’anglais et un diplôme universitaire d’études théâtrales et cinématographiques (aujourd’hui licence art du spectacle). Je me suis épanoui dans mes études de cinéma et j’ai multiplié les expériences hors du cadre universitaire. En licence 3, j’ai envoyé un de mes projets au CNC2 et j’ai fait partie des 50 projets (sur 1500) retenus pour cette année. J’ai donc reçu une aide substantielle pour faire mon court-métrage qui mettait en scène des journalistes qui créaient de toute pièce un événement. En plus, le CNC m’a permis d’être encadré par le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques (GREC) qui m’a formé à la production. Je me suis fait repéré par le producteur Christian Zarifian, au Havre. Il était le créateur de l’unité cinéma de la Maison de la Culture. Il m’a mis à l’épreuve sur deux tâches pour me tester : premièrement, il m’a chargé de vendre des films issus du catalogue de films réalisé entre 1968 et 1994 et ça a marché… Ensuite, Christian Zarifian m’a demandé d’être assistant attaché de presse pour la sortie nationale des Romantiques. Au moment où j’allais m’inscrire en thèse de cinéma à la Sorbonne Nouvelle, il m’a demandé d’arrêter et de devenir son bras droit, et je l’ai été pendant cinq ans. J’ai pu accomplir différentes tâches comme assistant de production, secrétaire de production, assistant-réalisateur…

Qu’est-ce que vous essayez de transmettre à vos élèves ?

Dans le Master, nous essayons d’élargir sur tous les domaines de production car il est difficile de monter sa boîte de production quand on est trop jeune. Il est préférable d’avoir une expérience dans tous les métiers du cinéma. Il est bon d’avoir une vision sur le long terme quand on veut créer une structure. Mon conseil est de commencer dans l’ombre de quelqu’un et de gravir pas à pas les échelons pour avoir une vision globale.

Quels sont vos conseils pour devenir producteur ?

La première qualité qu’on attend d’un producteur, c’est d’être un directeur artistique, ce qui est l’angle fort de la formation à Caen, qui donne un sens fort au métier de la production. Savoir repérer les talents, cultiver sa cinéphilie, apporter quelque chose de nouveau et savoir accompagner les auteurs. Le but étant d’aider à faire pousser un projet pour en faire un film. Rêver concrètement de bons films, si possible originaux dans leur forme. Par exemple, si je dis « oui » pour produire un film, c’est que je me sens capable d’apporter quelque chose. Il faut avoir une vision du talent de l’auteur et de ses capacités pour l’aider au mieux dans la perspective d’un projet. Pour les premiers films, cela demande plus d’énergie. Lorsqu’un auteur se lance dans une écriture, il ne faut pas qu’il fasse « l’autruche ». Il faut avoir vu les films qui traitent du même sujet pour affirmer une vision singulière. Par le passé, il s’est trouvé que j’ai fait des projets qui abordaient des thèmes mettant en scène des personnes âgées et par la suite, on me contactait très souvent pour traiter de sujets similaires. Je veux varier les couleurs et apprendre de nouvelles choses sachant que tous les sujets m’intéressent.

Combien de temps nécessite la production d’un film ?

Cela peut être très long. Entre le premier rendez-vous et la projection finale, il peut se passer trois ans. Quand on travaille sur un film, il faut arriver à offrir le temps nécessaire pour le faire correctement. Le développement est une phase très risquée où il faut écrire et tester les idées. On commence par de petites aides et au fur et à mesure du développement du projet, on arrive à porter un dossier suffisamment solide pour entrer en phase de production. Pour avoir une idée au niveau financier, le coup d’un documentaire est d’environ 100 000€ à 200 000€. Pour résumer : tout le travail du producteur se situe dans le champ entre le sujet et le projet. Je suis là pour aider à affirmer un projet. Faire que quelqu’un soit fort sur ses positions.

Est-ce qu’il arrive que le documentaire puisse changer d’angle ?

Ça arrive. Un personnage central peut ne pas donner autant qu’espéré et un personnage secondaire peut prendre une autre dimension. Dans ce cas, on fait une réunion et on échange autour du sujet. Je n’ai jamais eu de gros problèmes à ce sujet.

Pour en savoir plus sur Pays des Miroirs Productions, vous pouvez visiter le site http://www.paysdesmiroirs.com/ ou la page Facebook Pays des Miroirs Productions – La page

1Diplôme d’études universitaires générales

2Centre National de la Cinéma et de l’Image Animée

Emilie DESLANDES

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